Hot News

Laurent Saint-Martin : « Valérie Pécresse manque de respect aux électeurs »

Rate this post


Le candidat de la majorité présidentielle ne fait pas mystère de son obsession de campagne à trois semaines du premier tour (le 20 juin). Valérie Pécresse. Un bulletin de vote au nom de l’actuelle présidente de Libres ! dans les urnes et c’est l’assurance d’assister à une course vers la primaire de la droite, alerte-t-il. Aussitôt élue, aussitôt partie, récuse ce député du Val-de-Marne à l’unisson de la majorité dans les Hauts-de-France où Xavier Bertrand cherche à se faire réélire dans la perspective de 2022. Ce candidat mystère – « Je suis plus reconnu que connu » – distancé dans les projections de vote par le numéro deux du Rassemblement national, Jordan Bardella, attaque désormais bille en tête son opposante de droite. Le but de la manœuvre ? Faire passer Valérie Pécresse pour la candidate du passif à défaut de pouvoir lui opposer un bilan. Sans oublier d’égratigner une gauche francilienne, « la moins républicaine du monde ». Pour Le Point, cet adepte du sérieux budgétaire (il en est le rapporteur général à l’Assemblée nationale) livre ses impressions très politiques sur un scrutin nationalisé, l’accent sécuritaire de Gérald Darmanin et l’avenir de l’Île-de-France sans Valérie Pécresse. « Je serai engagé pour six ans à la tête de la région », veut-il croire.

Le Point : Valérie Pécresse se fait forte de son bilan pour être reconduite à la présidence de la région. C’est une difficulté supplémentaire pour votre campagne ?

Laurent Saint-Martin : En réalité, je pense que son bilan est aussi son boulet. La région Île-de-France est la plus riche de France et la plus inégalitaire. C’est la région que de trop nombreux habitants disent rêver de quitter. Beau bilan. Valérie Pécresse parle au passé. Moi, je parle d’avenir, de la vision de notre région que l’on propose aux Franciliennes et Franciliens. J’ai présenté un projet sérieux, précis et chiffré, mais je remarque toujours avec un mélange d’effarement et de surprise ce soi-disant bon bilan de Valérie Pécresse qui nous serait présenté. En fait, l’actuelle présidente de région ne fait pas campagne sur son bilan puisqu’elle ne le présente pas en détail. Candidate de droite, elle fait campagne pour l’élection présidentielle de 2022, tout le monde l’a bien compris.

Elle n’est pas officiellement candidate comme Xavier Bertrand dans la région Hauts-de-France. Est-ce un problème de se présenter ainsi devant le suffrage des Franciliens ?

C’est plus qu’une duperie, Valérie Pécresse manque de respect aux électeurs. Cette situation ne me dérangeait pas tant qu’elle n’était pas candidate à la région. À partir du moment où elle est en campagne pour l’Île-de-France, j’attendais un projet neuf et des propositions. Je ne perçois ni défense d’un bilan ni nouveau projet, mais plutôt un match contre Emmanuel Macron. Moi, je ne suis pas venu dans une arène électorale affronter le président de la République, je suis pleinement le candidat de la majorité présidentielle. Je remarque que Valérie Pécresse a ceci de commun avec l’ensemble des autres candidats qu’ils sont tous en campagne à des régionales contre le chef de l’État.

Qui dit que vous ne seriez pas vous-même désigné à un autre poste en cas de réélection du président de la République ? Secrétaire d’État, par exemple ?

Moi, je vous le dis. Quand je serai engagé pour six ans à la tête de la région Île-de-France, je serai pleinement président de la région pendant toute la durée de la mandature. Vous aurez remarqué que Valérie Pécresse ne le dit pas en ces termes…

Malgré tout, Valérie Pécresse est créditée d’intentions de vote plutôt flatteuses et, vous, troisième derrière la liste du Rassemblement national menée par Jordan Bardella. Le match vous paraît-il toujours aussi ouvert ?

Les jeux sont ouverts ! Dans le dernier de ces sondages, notre liste est la seule à réellement progresser, plus deux points par rapport au même en mars. À un point du candidat de Marine Le Pen. J’ai un objectif, le dépasser. Je suis profondément convaincu que les sondages ne reflètent pas la réalité. Les Franciliens vont se rendre compte du double jeu de madame Pécresse : pour qui vont-ils véritablement voter ? Ce qu’elle ne nous dit pas, c’est que, quoi qu’il arrive, elle quittera la région. Si elle est réélue, ce n’est pas elle qui sera notre présidente, puisqu’elle se lancera à la course présidentielle, et si elle perd, elle quittera la politique, elle l’a dit. C’est perdant pour les Franciliens. Il serait peut-être temps de s’affronter projet contre projet. Pour ma part, j’ai travaillé pendant des mois et, en matière de bilan, je peux vous dresser l’état de la région après six ans d’une gestion hasardeuse. D’abord, le manque de réalisation des promesses de sa campagne des régionales de 2015 : 23 % seulement de la rénovation des lycées réalisée à la fin du premier mandat. Les lignes de transports devaient être automatisées. Les lignes 4 et 13 ne le sont toujours pas. Si l’actuelle présidente de région veut un mandat de plus pour honorer son programme de 2015 qu’elle le dise clairement. C’est d’ailleurs peut-être pour ça qu’il n’y a pas de programme complet à présenter aujourd’hui. Son programme, c’est celui de l’élection précédente, celui qu’elle a laissé en chantier et inachevé. De mon côté, je me suis engagé à transformer cette belle région, pour mettre fin à une alternance entre droite et gauche qui n’a en rien changé la vie des gens. Le taux de croissance en Île-de-France n’est pas meilleur qu’ailleurs et le taux d’emploi n’est pas plus satisfaisant. La relance économique qui nous attend pour les six prochaines années est un enjeu majeur. Je ne veux pas laisser cette possibilité d’une formidable relance aux mains de ceux qui n’ont pas démontré leur capacité à créer de l’emploi dans notre région. Je veux que ce territoire change et, pour qu’il change, il faut qu’il soit aux mains de quelqu’un qui le désire vraiment, pas d’une candidate à la primaire de la droite.

À LIRE AUSSILes régionales, premier tour de la présidentielle

Vous avez fait des propositions pour une police régionale des transports, mais votre concurrente, Audrey Pulvar, est reçue à Beauvau par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. Vous sentez-vous suffisamment soutenu dans cette campagne ?

Cette proposition de police régionale est évidemment en lien avec l’État et, donc, bien avec le ministère de l’Intérieur. Vous n’imaginez pas l’inverse. Je précise que j’ai déjà été reçu à de multiples reprises par le ministre de l’Intérieur et que ce n’est pas tout à fait un hasard si la ministre déléguée auprès du ministre de l’Intérieur chargée de la Citoyenneté, Marlène Schiappa, figure sur nos listes. C’est que je considère que l’on n’a jamais eu un ministre de l’Intérieur qui défendait autant les forces de l’ordre, qui se soit autant consacré à ce qu’on appelle le continuum de sécurité. Ce qui compte, c’est que nous ayons un gouvernement qui défend les forces de l’ordre, qui dénoncent les discours les plus ambigus, ceux qui sont les plus honteux vis-à-vis de nos policiers.

À LIRE AUSSICoignard – Gérald Darmanin, meilleur soutien d’Audrey Pulvar

Vous président, travaillerez-vous main dans la main avec la maire de Paris, Anne Hidalgo ?

Ce qui est certain, c’est que ce sera de façon constructive. Aujourd’hui, si l’on prend la nature des tensions entre l’exécutif régional et la maire de Paris, ce sont plus que des tensions, c’est une véritable guerre d’ego. C’est finalement très néfaste pour la démocratie et l’efficacité de nos institutions. Je ne veux pas être un président de région qui se lève le lundi matin en s’opposant à l’État, le mardi midi à la Mairie de Paris ou le mercredi aux présidents de départements. Ça suffit ! À quel moment travaille-t-on sincèrement, véritablement, pour un aménagement du territoire pensé pour l’avenir des Franciliens ? Quand vous êtes président de région, ce n’est pas une option de travailler avec vos partenaires, c’est obligatoire pour l’intérêt des habitants d’Île-de-France et pas que celui des Parisiens.

À LIRE AUSSIAnne Hidalgo la joue comme Chirac, mais rêve de Biden

Diriez-vous que la gauche francilienne est la plus bête du monde ?

J’ai face à moi la gauche la moins républicaine du monde. Je ne me permettrais pas de juger les personnes, mais il s’agit clairement d’une gauche qui franchit des lignes jaunes. Julien Bayou, ce n’est pas nouveau, stigmatise régulièrement celui qui n’est pas d’accord avec lui, même en raison de son âge, c’est vous dire son ouverture d’esprit. Avec Audrey Pulvar, c’est plus surprenant, mais les masques tombent, des lignes jusqu’ici infranchissables sont franchies. Vous évoquez le discours sur les policiers, mais n’oubliez pas ces déclarations sur les hommes blancs qui n’auraient pas le droit de s’exprimer dans certaines réunions. C’est inadmissible, car elle remet en cause l’universalisme républicain ! Moi, je dis très clairement que la gauche républicaine universaliste, c’est d’où je viens et celle dans laquelle se reconnaissent tous les sociaux-démocrates de notre pays, est la bienvenue chez nous. Vous parliez des excès d’une certaine gauche, mais des valeurs républicaines sont aussi remises en cause à droite. Valérie Pécresse fait un trait d’union direct entre immigration et terrorisme. Ne trouvez-vous pas que l’on franchit là aussi des lignes de fracture républicaine ? Pour quel résultat ? Faire monter le Rassemblement national dans notre région. J’espère que ce n’est pas une lente dérive, comme on peut le voir dans d’autres régions. La dérive malheureuse d’une droite qui ressemblerait plus à l’extrême droite qu’à la droite républicaine.

À LIRE AUSSIBéglé – Petite leçon d’économie à l’attention d’Audrey Pulvar

Si la montée du Rassemblement national en Île-de-France vous inquiète à ce point dans une région où ce parti est historiquement faible, pourquoi faire de Valérie Pécresse votre principale adversaire ?

Je l’affirme, le RN est mon adversaire politique principal, mais ce parti ne s’est toujours pas exprimé et n’a pas fait la moindre proposition régionale, comme à son d’habitude. Le candidat du RN, Jordan Bardella, a lui-même avoué, avec son cynisme habituel, que ces régionales étaient l’apéritif des élections présidentielles. Il a été au moins assez honnête pour le reconnaître. Il sera mon adversaire quand nous pourrons confronter nos projets, mais il ne fait pas campagne. C’est la stratégie du RN depuis la nuit des temps : surfer sur les peurs, surfer sur la haine, surfer sur les angoisses et surfer sur la montée du chômage. Oui, nous traversons une crise extrêmement puissante, mais ce n’est pas parce que le RN n’est pas considéré dans les médias comme une menace réelle pour la région qu’il n’est pas dangereux pour ses habitants et son territoire. Par ailleurs, je ne fais pas de Valérie Pécresse une adversaire toute désignée. Son bilan n’est tout simplement pas bon. Elle franchit des lignes rouges républicaines. Ça me pose problème : elle ne représente pas la droite humaniste et libérale qui se retrouve dans la majorité présidentielle, celle qui ne gouverne pas avec Sens commun, par exemple.

Dans nos colonnes début janvier, vous appeliez à « diminuer massivement les dépenses publiques » puis, en avril, toujours dans les colonnes du Point, à « investir massivement dans les services publics ». Est-ce qu’il y a un Laurent Saint-Martin député de la majorité, rapporteur du budget et un Laurent Saint-Martin candidat en campagne ?

Ce sont les mêmes. Je considère qu’il faut de la bonne dépense publique. Je ne suis pas anti-dépense publique, je suis anti-mauvaise dépense publique et, voyez-vous, la réduire par principe, cela s’appelle l’austérité. Cela a malheureusement déjà été fait : Valérie Pécresse, ministre du Budget sous Nicolas Sarkozy, qui l’avait conduite aux responsabilités. C’est ainsi qu’on enlève 12 000 fonctionnaires de police pour crier ensuite à l’insécurité. Moi, je ne suis pas pour l’austérité, je suis pour l’optimisation et l’efficacité de la dépense publique. Je veux qu’on puisse investir. Par exemple, dans la recherche, dans la sécurité et dans l’éducation, mais je veux qu’on sache aussi équilibrer nos comptes. En France, nos régimes sociaux sont déséquilibrés. Nos retraites sont déséquilibrées. Je veux les équilibrer par des réformes. Tout ça, je l’assume. C’est la même chose dans la région. Il faut avoir un budget sérieux et savoir investir.

Vous ne faites pas mystère d’être le candidat de la majorité. Vos 154 propositions d’actions pour l’Île-de-France sont plutôt pensées pour rassembler que cliver dans une logique très macronienne. Qui y a-t-il d’Emmanuel Macron en vous en dehors du côté pique-assiette programmatique ?

Pour beaucoup d’entre elles, ces propositions sont entièrement nouvelles. Financer des véhicules propres par la région, cela n’a jamais été fait. Figurez-vous qu’elles sont tellement innovantes que Valérie Pécresse les a reprises. C’est tant mieux, mes idées pour la région sont en logiciel libre. Comme Emmanuel Macron en 2017, je n’ai pas vingt ans de vie politique derrière moi, je viens pour changer les choses, pour transformer l’action publique, avec une nouvelle vision. Valérie Pécresse, c’est dix-sept ans de mandat au conseil régional ; Julien Bayou, onze ans ; Jordan Bardella, c’est cinq ans. Il faut casser cette alternance droite gauche qui n’est pas bonne pour l’efficacité de la démocratie. C’est ce qu’a souhaité Emmanuel Macron en 2017. Je suis candidat à la région avec la même ambition.

Plusieurs ministres ont rejoint vos listes et réagissent dans les médias, notamment Marlène Schiappa. C’était pour vous le moyen de combler un manque criant de notoriété ?

Je pense que c’est la campagne qui fait la notoriété, le candidat de la majorité présidentielle en Île-de-France, c’est bien moi. Les ministres ? Je les ai appelés un par un pour leur demander de mettre leurs compétences au service de la région, de venir renforcer notre position parce qu’ils incarnent des sujets qui me sont chers. Emmanuelle Wargon pour l’efficacité énergétique, Amélie de Montchalin pour parler d’action publique, Nathalie Élimas est secrétaire d’État chargée de l’Éducation prioritaire, Marlène Schiappa sur la sécurité, la citoyenneté et le droit des femmes, Gabriel Attal, très ancré dans le territoire des Hauts-de-Seine. Ce n’est pas toujours très populaire d’afficher l’étiquette de la majorité présidentielle. Moi, je l’assume. Parfois, la politique, c’est assez simple.

À LIRE AUSSICoignard – Ministre et tête de liste aux régionales : mission impossible !


Source :www.lepoint.fr

Related Articles

Back to top button